Coups de cœur, Documentaires

Introverti.e.s mode d’emploi / Coline Pierré et Loïc Froissart / Rouergue

Bon. Autant vous l’annoncer de suite : cet article va être long. Parce qu’il va traiter avec maints détails de mon ressenti par rapport à ce livre qui fait écho, comme tout ce j’écris ici, à ma petite vie. Comme vous le savez désormais, j’aime quand la lecture s’imbrique avec la vie et vice-versa. Sur le sujet de l’introversion, il y a de quoi dire. J’ai de quoi dire. Si toutefois ce qui vous intéresse n’est que mon avis de lecture -ce que je peux tout à fait comprendre- ne vous embêtez pas trop à descendre votre curseur sur la page car je vous le dis en mille, en million même, ce livre est absolument génial. Indispensable. Il permet de comprendre ce qu’est l’introversion avec justesse, humour, intelligence. Tout est explicité sans jamais être dramatisé. Parce qu’en fait, il n’y a absolument pas de quoi dramatiser. Il y a tout à éclairer.

Ce livre s’adresse à tous. Je n’ai pu transcrire le titre tel qu’il apparaît réellement sur la couverture – c’est pour cela que j’ai inséré des points inclusifs à priori où il faut – mais constatez par vous-même la manière dont il se présente :

Coucou, c’est moi sur la couverture ! Seul élément enjolivé car improbable : la plante totalement verte (et vivante). Ma p’tite communauté toute mignonne sur Insta comprendra !

L’autrice s’adresse à « tous et toutes, quel que soit leur positionnement sur le spectre du genre et du non-genre ». C’est important de le préciser car bien des sujets et des déterminismes, dont l’introversion, sont bien souvent, à tort évidemment, l’apanage des filles. Depuis leur plus tendre enfance. Quand on dit ou on entend : une fille c’est calme, un garçon c’est casse-cou, on est dans un délire parfois inconscient d’attribuer des caractéristiques à un genre. Bien comme il faut. De sorte que cela reste ancré toute la vie, de sorte que cela les définisse, malgré ils, malgré elles. Je dis ça, mais y a des trucs qu’on assimile parfois inconsciemment, de sorte qu’on ne réalise pas sur le moment que l’on dit de grosses conneries. Exemple avec une expression qu’on peut lire dans beaucoup d’avis de lecture : « c’est l’histoire d’une femme forte qui »… Oui, mais en fait, aucune femme n’est faible, hein ? Et bien, cette phrase j’ai dû l’écrire une bonne dizaine de fois durant mon obscur passé de chroniqueuse de l’ombre. Mea Culpa. Et merci Esther pour la prise de conscience. Je m’égare. Encore ?

Bref. Etre introverti, ça peut touche tout le monde. Mais attention, ce n’est pas un défaut.

Pour être totalement sincère, lorsque j’ai vu ces mots-là, écris noir sur blanc, j’ai ressenti un grand soulagement. Et une grande émotion. Bien sûr, maintenant que j’ai 37 ans, que j’ai vécu des expériences et rencontré des personnes qui m’ont accompagnée avec bienveillance dans mon parcours personnel et professionnel, je le sais, que ce n’est pas un défaut. Mais on ne me l’avait jamais dit et je ne l’avais jamais lu. Pourtant, c’est si important. Je sais quelle puissance les mots peuvent avoir. À quel point ils peuvent élever. À quel point ils peuvent rabaisser, aussi. Alors sachez-le et dites-le : Être introverti.e n’est pas un défaut. C’est marrant parce que j’ai en tête une anecdote et elle reflète exactement les propos de Coline Pierré. Je vous expose le contexte : récemment, j’ai aidé certains élèves à faire un devoir en espagnol (je n’ai jamais fait d’espagnol, weil ich deutsch gemarcht habe, mais ce n’est qu’un détail, hein) et ces élèves devaient catégoriser plusieurs mots, soit dans la colonne qualité, soit dans la colonne défaut. Et, entre autres termes, vous le devinez aisément, il fallait classer le mot « timide ». Dans la colonne défaut. J’ai râlé un peu, c’était à peine audible, mais je réalise que j’aurais dû m’insurger. Être timide ou introverti.e n’est pas un défaut. Je crie, là. Vous m’entendez?

Par ailleurs, ce documentaire/guide de survie nous démontre que l’introverti.e n’est pas une personne anormale. Cette personne a des peurs, comme tout le monde, mais elle a aussi le droit à de petits bonheurs, comme tout le monde. Cette personne n’est simplement pas dans cette norme qui rassure le commun des mortels, aussi connu sous le nom de monsieur-tout-le-monde-et-personne-à-la-fois-qui-a-un-avis-sur-absolument-tout.

Chaque introverti lira sa pire terreur sur cette page extraite du guide. Mon top 3, sans aucune hésitation : L’exposé devant toute la classe. Passer un appel téléphonique. Travailler en groupe. On peut facilement transposer ces situations dans le monde du travail. Partout. Heureusement, il existe aussi de grands plaisirs que seul un introverti peut apprécier à sa juste valeur !

Certains passages de ce livre documentaire sont tellement drôles ! Ils sont drôles car ils sont véridiques et la vérité c’est que les introvertis passent pour des gens bizarres, décalés et que, en plus de surprendre, cela fait rire. Le ton est à peine exagéré. Tout est très finement analysé.

Oui, mon téléphone est toujours en silencieux et je ne reçois pas les messages vocaux. Une des stratégies de l’introverti-e que je valide totalement !

Derrière l’humour se dissimulent de véritables interrogations : pourquoi donc user tant d’énergie à éviter toute forme de communication trop invasive ? Et bien, parce que ça nous ramène à nous. À ce que nous sommes profondément. Et les introvertis n’ont généralement pas une jolie vision d’eux-mêmes. J’aime beaucoup la quatrième de couverture. Tout y est dit. « Tu t’es sentie mystérieusement attirée par cet ouvrage en voyant la couverture ? Tu t’es (un peu) retrouvé dans la liste d’adjectifs qui y figure ? Alors peut-être es-tu… un géranium ? Une héroïne de roman ? Un robot ? Une aubergine ? Un somnambule ? Une porte ? Mais non, tu es introverti ! ». Impossible de ne pas comprendre que derrière l’humour, il peut y avoir souffrance. Parfois ce n’est pas le cas, on peut se plaire en tant qu’introverti.e mais le regard des autres peut être pesant. Il n’y a rien à magnifier dans le fait d’être scruté.e bizarrement, d’être en complète opposition avec ce qu’on attend de vous, de se sentir insignifiant.e, quelque fois. Vis-à-vis de L’entourage. De l’école. De la société tout entière. Soyons fous d’employer de si gros mots.

Quelque part dans un lycée
en Alsace
en 2002
ces mots ont été écrits
Cette dernière observation, c’est juste pour vous expliquer ce qu’est un euphémisme. C’est l’expression atténuée d’une notion. Sachez qu’à 37 ans, je pratique encore la nage du chien à une main (l’autre étant occupée à me boucher les orifices nasaux). Mais au moins, en 2002, on ne pouvait pas dire de moi que j’étais trop réservée en natation car j’étais trop occupée à survivre. Ce n’était en rien discret. En effet, je tiens à préciser que la nage du chien à une main est une nage très dynamique.

Réservée. Discrète. Peu dynamique. Peu d’enthousiasme. Je me doutais, en recherchant mon livret scolaire pour ce grand travail d’investigation que vous avez sous les yeux, que je lirais ceci. Mais cela fait mal, en vérité. Parce que je retiens aussi de mes années de lycée, les heures passées à boire les paroles de mon professeur de lettres quand il parlait de poésie ou de Madame Bovary. Ou encore les découvertes du cours d’anglais renforcé (Bob Dylan, Woody Allen et le plaisir de lire des romans en langue étrangère). Je me suis aussi souvenue de quelques fois où je m’étais fait violence pour participer et j’en étais fière. Je pensais que cela se ressentirait sur ma façon d’être. Ma façon d’être perçue. Apparemment pas. Réservée. Discrète. Effacée. Peu dynamique. C’est l’image de moi qui est officiellement inscrite sur un livret scolaire un peu défraîchi. On peut néanmoins passer de mots qui blessent à des mots qui pansent les plaies. Professionnellement, j’ai eu des « vous êtes capables de faire bouger les choses rien qu’en étant vous ». J’ai eu des mots de remerciements, des mots d’encouragements, des mots écrits, des mots parlés. Je les collectionne tous. Sûrement pour qu’ils effacent les autres. Les moches. Les quasi-irréversibles.

Ce livre bouscule toutes les idées reçues. Comme, par exemple, sur les métiers que peuvent exercer les introvertis. Vous savez, ces métiers qui rassurent les parents avant de vous rassurer vous-même.

Les chances de s’en sortir. Créateur de mots croisés. Cerf-voliste. Cactologue. Baron perché. Ou autrice, comme Coline Pierré. Je ris !

Chaque parcours professionnel est différent et propre à chacun. Nous pouvons tous être fiers de ce que nous entreprenons. Oscar aurait adoré que je sois grutière -un métier parfait pour les introverti.e.s- mais, contre toute attente, j’en ai trouvé un encore mieux pour moi : professeure-documentaliste. Impossible de rester planquée derrière un ordinateur en faisant chuuuuut aux élèves, un crayon de papier (à papier, en papier) planté dans mon chignon. Non, hop, on balaie les idées reçues ; je parle aux élèves tout le temps parce que les élèves me parlent tout le temps et vous savez quoi ? J’aime ça ! J’aime communiquer avec eux. Quand j’y pense, j’ai toujours exercé des métiers qui n’étaient, à priori, pas faits pour moi. Quand j’étais étudiante, j’étais hôtesse de caisse. Puis j’ai été libraire jeunesse. Enfin, j’ai repris mes études pour être professeure-documentaliste. Je n’étais pas la plus apte à les exercer, ces métiers. Mais j’ai pensé que je pouvais le faire et j’ai surtout rencontré de belles personnes. Mes collègues du rayon jeunesse de la librairie dans laquelle j’ai conseillé des clients pendant six longues et belles années. Mes précieuses amies et fidèles camarades de promotion, en Master. Ma tutrice professeure-documentaliste. Et, en dehors de mon foyer familial et professionnel, tout autour de moi ont gravité des personnes qui ont donné un sens nouveau à ma vie et qui ont fait que je me suis sentie capable de. Des garçons que j’ai aimés et qui m’ont aimée comme je suis. Des amis d’avant et de maintenant, comme cette magnifique personne qui m’a donné discrètement ce livre au dernier groupe lecture auquel nous avons toutes deux participé.

J’aimerais illustrer ce propos en vous montrant un passage d’un livre documentaire que j’ai lu dernièrement avec mon petit Oscar. Je l’ai lu en parallèle du livre de Coline Pierré et Loïc Froissard. Heureuse, bienheureuse coïncidence.

La timidité, Sophie Dussaussois et Tristan Mory, Milan
Ma Sandra, cette image elle est pour toi. Ok, on n’a pas plongé ensemble dans l’eau chlorée de la piscine municipale de Saint-Louis city (on aurait peut-être dû ceci dit, étant donné mon piètre niveau en natation). Mais on a fait plus que ça. On a fait mieux que ça. Grâce à toi je me suis sentie plus grande et forte. Tu es la première personne qui m’ait fait ressentir ça. Tu es ma Marine à moi (et en même temps si on pouvait oublier l’Autre Marine, là…)

J’aime aussi le guide documentaire de Coline Pierré et Loïc Foissard parce qu’il n’est pas centré que sur l’introverti.e. Il nous invite à réfléchir collectivement sur le fait de vivre ensemble, malgré ou plutôt grâce à nos différences.

Et, sachez-le, il est tout à fait possible d’aimer un introverti.e C’est même une sacrée aventure. Il faut la vivre !

Alors voila. Je remercie Coline Pierré et Loïc Froissart pour ces mots et ces illustrations drôles, tendres, qui énoncent une vérité toute jolie toute belle. Loin de ces clichés qui collent à la peau de tous les introveti.e.s. Loin des peu dynamique-réservée-effacée.

Personne ne devrait jamais se sentir effacé.e. Personne n’est voué.e à disparaître tant qu’il est vivant, hein ? Cela paraît logique. Et pourtant…

Je vous invite à lire ce guide. Non seulement vous passerez un bon moment car il est franchement drôle mais après sa lecture, vous aurez peut-être un oeil nouveau sur le monde qui vous entoure. Et sur ces êtres bizarroïdes mais si intéressants qu’on appelle les introverti.e.S !

1 réflexion au sujet de “Introverti.e.s mode d’emploi / Coline Pierré et Loïc Froissart / Rouergue”

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