Bandes dessinées / Mangas, Coups de cœur

Le veilleur des Brumes / Robert Kondo & Dice Tsutsumi / Bande d’Ados

« Je crois que je connais un peu mieux… ce garçon que j’ai été… et celui que je suis devenu… »

Cela fait un petit moment que j’ai terminé l’intégrale de cette bande dessinée mais l’émotion est toujours intacte, merveilleuse quoiqu’un peu pudique, lorsque je la reprends dans mes mains. Juste avant de commencer à écrire cet article, j’ai touché ce livre, j’ai caressé la couverture avec amour et délicatesse comme si je lui disais merci. Merci à ce livre, merci à ses auteurs, merci à ce petit cochon -héros malgré lui- de m’avoir tant offert durant ces pages. Un peu de rêve mais surtout énormément d’espoir. Espoir pourquoi ? Pour quoi ? Pour l’après, après l’obscurité.

J’ai lu cette bande dessinée juste avant de perdre un être cher. Une personne avec qui je ne partageais pas le même sang mais avec laquelle j’étais liée par une sensibilité, un regard sur le monde, une évidence. Merci la vie. Je lisais cette bande dessinée et je savais, je savais que j’allais perdre cette personne bientôt. Et c’est fou comme parfois tout arrive à un moment donné, précis, ou peut-être pas d’ailleurs, mais tu as envie d’y croire, tu crois pas ? Qu’importe, j’ai lu ce récit et tout comme le héros, j’ai dit aurevoir, je lui ai dit aurevoir puis je me suis laissée envahir par cette dernière page, par cette aube qui annonce l’espoir et une vie autre. Pas une nouvelle vie. Une vie autre. Dans laquelle on est toujours ce que l’on est, mais avec, en sus, ce sentiment puissant de gratitude. Qui te fait voir les choses belles, qui te pousse à remercier et à te sentir plus fort, plus grand.

Rembobinons, s’il vous plaît. Pardon. De la noirceur, il y en a, dans ce récit. Elle est symbolisée par les brumes qui menacent le village de Val-de-l’Aube dans lequel ses habitants vivent insouciamment. Sauf Pierre qui, suite au décès de son père, est devenu veilleur des Brumes. Il lui incombe la tâche de s’occuper du barrage, dernier rampart contre cette marée d’ombres, marée mortelle. Les villageois ont oublié, depuis le temps. Lui ne peut pas. Oublier. Car tout dépend de lui. Tous ses autres camarades s’amusent, font des bêtises, apprennent. Lui, il fait juste semblant car tout repose sur ses épaules. Cette résignation. Elle est omniprésente. Etouffante. Mais elle est.

Vous l’aurez remarqué, Pierre est un cochon. Et sa meilleure amie est une renarde. Et son autre ami/ennemi/ennemipasttantqueça/etfinalementgrandami est un rhinocéros. Les personnages sont des animaux mais c’est fou à quel point on finit par ne plus y prêter attention. On en a moins l’habitude quand on lit des « trucs de grands » mais après tout, l’anthropomorphisme, c’est un peu la base de la littérature jeunesse (et je me permets d’ailleurs de déposer ici la sempiternelle question « Quel animal est Tchoupi ? », c’est cadeau les parents) mais après ? Après quand on grandit ? Pourquoi on ne garde plus ce principe ? Parfois c’est le cas et ça donne de grandes oeuvres. La ferme des animaux. Maus. Mais c’est trop rare. On devrait davantage y revenir, à l’anthropomorphisme. Non ? Fin de cette parenthèse aux allures d’analyse littéraire du dimanche, oups du mercredi. Oupsi du jeudi, désormais.

Que se passe-t-il quand l’équilibre vacille ? Plus que cela, quand tout s’écroule ? Réponse : c’est le chaos.

Or, du chaos peuvent naître de très belles choses. Si tant est qu’on traverse et qu’on réussit les épreuves qui s’offrent à nous. Et comme dans toute aventure initiatique, le héros n’est pas seul même si c’est à lui de se dépasser lors des différentes épreuves. Pierre est accompagné de ses amis dans cette course contre la montre pour sauver leur village. Ils ont neuf jours pour éviter la catastrophe. Sinon le village -et la vie qu’ils ont toujours connue- seront détruits par les brumes.

En chemin, ces trois compagnons feront des rencontres déterminantes. Et trouveront des Ailleurs. Qui ressemblent aux leurs. Ils diront bonjour. Parfois avec méfiance. Ils diront aurevoir. Souvent avec reconnaissance.

Regardez, regardez comme c’est beau de dire aurevoir. Il y a des aurevoir qui veulent dire merci.

La force du récit est là. Dans cette image, ci-dessus. Elle réside en cette fraternité. Tout est là. Tout est dit. Illustré avec finesse, poésie. Nous sommes dans le sublime. J’ai tant pleuré à la lecture de cette bande dessinée. Car elle vient chercher en nous ce qui est fondamental. Elle nous montre le sens. On peut l’oublier, parfois. Après tout, c’est humain. Mais le sens, le vrai ? Il est là, en nous et ici devant nos yeux. C’est l’amour. Tout simplement. La famille, les amis. Tous. Nous vivons tous pour aimer. Nous sommes tous vivants parce que nous aimons. Bon ok, tout ça ça fait très religieux ou niais ou peut-être même que ça me rappelle les paroles de ma prof de yoga qui énonce que nous vivons parce que nous aimons tandis que je m’escrime à tenir l’équilibre de l’arbre. Mais n’empêche, c’est juste. Sans amour, à quoi bon vivre ?

Quant à cette quête du père, elle me touche d’une façon indescriptible mais c’est une autre histoire, que je vous partagerai peut-être un jour, ici ou là. Elle est cependant éternelle car elle renvoie à la question de l’identité propre à chacun. C’est une quête douloureuse, sans nul doute.

Mais qu’elle est belle lorsqu’elle est résolue, aussi dramatique en soit l’issue.

Toujours. Toujours autant d’émotions en lisant cette merveille. Je ne sais pas quoi dire de plus. Il y a tout, dans cette bande dessinée. C’est une épopée aux allures d’universel. Je ne peux rien ajouter de plus. Je ne sais pas quoi ajouter de plus.

Ou peut-être que si. Cette bande dessinée me donne envie de dire merci. De remercier ceux qui font de moi celle que je suis. Heureusement que l’art nous rappelle bien souvent que l’essentiel est là. Avec eux. Ma famille, mes amis. Mes amis qui sont ma famille.

Avec Elle.

Non, ce n’est pas un aurevoir. Tous comme le fait Pierre le cochon, je ne dis pas aurevoir, je dis merci. Merci J. Tu as fait partie de ma quête initiatique, de mon épopée, aussi modeste soit-elle. Tu m’as élevée avec tes mots au quotidien, ta joie à toute épreuve -c’est le cas de le dire- ton infinie bonté et ton altruisme exemplaire. Je suis un peu plus forte grâce à toi. Je peux le dire.

Je crois que je connais un peu mieux cette fille que j’ai été. Et celle que je suis devenue.

Je souris. Je sais que tu aurais lu cet article avec attention. Et, comme toujours, tu m’aurais dit que tu étais fière de moi. Tu aurais laissé un cœur sur une story. Tu aurais accordé de l’importance à mon univers que je présente virtuellement. Et tu m’aurais serrée dans tes bras, en vrai de vrai, tout me déclamant quelques mots d’amour qui sourient. Tu aurais laissé ici et là-bas un peu, beaucoup, de toi dans ma vie. Tu as laissé ici et là-bas un peu, beaucoup, de toi dans ma vie.

Il y a tant de choses à voir après le chaos. Je le sais, maintenant. Il y a ce lever de soleil qui m’attend. Il y a toi, d’une autre manière, il faut que je la trouve. Et il y a eux.

Pour toi, J. Merci.

Merci à l’association Croqu’Livre pour la découverte au groupe lecture Ados

Coups de cœur, Romans pour ados

Retour à Moosonee / Antje Babendererde / Bayard Jeunesse

Vous qui désormais me connaissez un peu mieux, vous savez que je suis sentimentalement au top niveau et que j’aime parler amour. Et bien aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, je vais parler crush (comme une ado et non pas comme la boomer que je suis, of course).

Sachez qu’il est tout à fait possible de parler de crush pour la littérature. De crush littéraire. Parce que ça arrive réellement. C’est comme un coup de foudre avec des mots, des personnages, une histoire. Mais comme tout véritable crush, cela reste assez rare.

Mon tout premier crush littéraire ? J’avais 8 ans et ce crush a viré en drama mezzo forte. « Toufdepoil » de Claude Gutman. Je dis pas, le titre, il est moyen, il prête à sourire mais EN AUCUN CAS on ne sourit en lisant ce roman que j’avais dû demander à ma mère à la fin de courses endiablées au supermarché alsacien du coin (au « Rond-Point » certainement, car en Alsace, il y avait de drôles de noms de supermarchés comme « Rond-Point » ou encore « Unico », bref). Pourquoi je l’ai demandé, ce livre ? Je vous le dis en mille : parce qu’il y avait un chien sur la couverture et qu’il ressemblait au chien que j’avais eu quelques années auparavant, un briard nommé Waldo. D’où mon crush pour Toufdepoil. Crush immédiat. Evident. Intense. Fortissimo.

Bon, en vrai, on est d’accord, j’aurais dû complètement me méfier de l’air paniqué du petit garçon. Mais j’avais 8 ans, hein, et le chien prenait tout la place sur l’image et dans mon cœur

Le speech, il est simple. Le petit garçon est fou amoureux de son chien qui lui apporte tout l’amour qu’il a perdu car sa mère est partie et que son papa l’élève seul. Ce dernier est en pleine dépression – en passant, c’était assez dingue d’aborder les thèmes de la famille monoparentale et de la dépression dans un roman jeunesse à l’époque – et le petit-garçon-dont-j-ai-oublié-le-nom va vivre un pur cauchemar, la faute à la belle-mère-atroce-tendance-mère-dans-vipère-au-poing qui débarque dans leur vie. Car oui, la belle-mère est horrible et le père va devoir faire un choix : le chien ou sa nouvelle femme. Vous devinez la suite ? Rajoutez à cela un terrible mensonge du genre « toufdepoil est allé rejoindre une jolie et gentille famille à la campagne » et vous aurez une idée de mon état de jeune lectrice à l’époque. J’ai rarement ressenti autant d’amour et de haine à la lecture d’un roman. Un crush qui fait mal. Qui finit mal. J’ai autant aimé ce livre qu’il m’a fait du mal. C’est-à-dire beaucoup, beaucoup, beaucoup. Un peu comme pas mal de mes histoires d’amour passées. Merde, en lisant ces mots, je me dis que j’aurais peut-être bien besoin d’une petite thérapie.

Mon premier crush pour ce chien, Toufdepoil, a été suivi de tant d’autres. Tobie Lolness, Hadrien, Sophie et SON choix, Miss Charity, Augustus Waters et Hazel Grace Lancaster, Colin et Chloé. Tous ces personnages que j’ai aimés à la folie et qui m’ont embarquée dans de sacrées montagnes russes d’émotions.

Je m’égare ? Oui, oui et encore oui. Comme d’habitude ! Quoique, pas tant que ça car il fallait bien une introduction pour vous expliquer que cette lecture, « Retour à Moosonee », c’est devenu un crush. J’ai pleinement jeté mon dévolu sur ce roman, sur ces personnages, ce lieu. Pourtant, je l’ai recommencé à trois reprises. Ce n’était pas gagné. Certainement que je ne devais pas abandonner la lecture, je DEVAIS lire ce récit. Crescendo.

Alors, ça parle de quoi ?

Tout part d’un lieu. Un « endroit ». « Il y a des endroits dans le monde qui ont le pouvoir de changer les gens. Je ne le savais pas encore, alors mais Moosonee était de ceux-là ». C’est dingue déjà, de lire ça. Je suis complètement d’accord avec cette idée. Je pensais être la seule à penser cela ! Tout comme une musique peut intégrer la BO de votre vie ou un livre peut coller idéalement à une situation qui vous définit, un lieu peut déterminer votre vie. Et puisque sur ce blog, je vous confie des tas de choses, je peux vous affirmer qu’à jamais, la Bretagne sera LE lieu de mon changement de vie lorsque j’ai effectué un virage à 180° à l’aube de mes trente ans. Je me souviens avec exactitude de chaque instant de ce voyage, des éclats de rire de mes amies, des confessions existentielles et nécessaires au bord d’une falaise ou autour d’un café, du sentiment d’être enfin moi sur une chanson de Beyoncé dans une boîte de nuit quasi vide de Crozon, de l’album de Nick Cave que j’écoutais sur la route du retour. Vers la réalité. J’ai eu un aperçu de ce que je pouvais être, en Bretagne et nulle part ailleurs. Ma vraie moi. Ça fait très télé-réalité dit comme ça, très « dans la vraie vie » comme s’il y avait une vie parallèle et une autre qui serait la bonne. Mais je n’ai pas mieux, là maintenant. La vraie moi.

Pour notre héros Jacob, le lieu décisif est le Canada, le Grand Nord, Moosonee. C’est ce lieu qui va lui permettre d’en savoir davantage sur ses origines. Jacob a tout un puzzle à assembler. Sa maman est allemande et est repartie vivre en Allemagne avec Jacob après avoir vécu quelques temps avec le père de Jacob – de la tribu des Cree – qu’elle a aimé éperdument depuis leur coup de foudre jusqu’à un terrible accident de voiture. Mon résumé est bancal, certainement mal formulé, mais je pense que vous avez saisi l’idée : Jacob ne sait pas qui est réellement son père. Par conséquent, il décide, à l’aube de l’âge adulte, de traverser la terre pour le rencontrer. N’en déplaise à sa mère ou à son beau-père (qui est sans doute la copie féminine de belle-maman dans Toufdepoil).

Dès lors qu’il débarque au Canada, diverses déconvenues lui arrive. C’est un euphémisme quand on sait qu’il va être attaqué par un ours. Sa vie dépendra alors de deux personnes, dont Kim, une jeune fille Cree quelque peu agressive rencontrée quelques heures auparavant dans un train. Ce sera la grande épreuve initiatique de la vie de Jacob et le fait que Kim en fasse partie n’est pas du tout anodin. Sans doute que cet évènement devait aussi se produire pour la jeune fille au passé bien douloureux.

Tout le roman possède comme une aura mystique. Totalement en raccord avec les croyances de ce peuple. C’est quelque peu magique dans le sens où il y a quelque chose qui vous dépasse. Tout ne s’explique pas rationnellement. Il peut y a voir des explications dans la nature, les signes, les songes.

La situation de Jacob n’est pas aisée. Lui qui a grandi en Allemagne et qui n’a connu la culture Cree que quatre ans durant. Dès lors, la recherche d’identité du jeune homme s’avère davantage ardue. « Jamais je ne m’étais senti aussi écartelé. D’un seul coup, mes racines cree prenaient le pas sur tout ce qui avait fait ma vie d’avant : mon choix d’être végétarien, ma haine de Stefan, mon combat contre la maltraitance des animaux, mon amour de la musique et du sport ».

Aucune rencontre n’est due au hasard, dans ce récit. Chacune d’entre elles est déterminante pour que Jacob puisse savoir qui il est réellement. Même quand il s’agit de rencontrer un ours.

C’est dingue comme le corps peut emmagasiner des tas de traumatismes et vous envoyer plein de signaux douloureux comme des alertes pour enfin résoudre la cause de ces traumatismes. Bon, on a aussi le droit de haïr tous ces professionnels qui ne prennent pas le temps d’écouter et relèguent les douleurs directement dans « la tête ». C’est dans votre tête, madame. Qui n’a pas déjà entendu dire ça ? Je crois qu’il n’y aura pas foule pour lever la main. Moi la première.

Dans le cas de Jacob, ses crises de convulsion sont impressionnantes. Sans doute parce que ce qu’il découvre petit à petit a toujours été tu par sa mère. Les secrets de famille et le silence qui en découle se sont solidement ancrés dans son cerveau, le rendant incapable de fonctionner correctement. S’ajoute à cela, une histoire plus grande encore qui prend ancrage des décennies plus tôt. Ce qu’on va découvrir est de grande ampleur. Je ne vais pas tarder à spoiler donc si besoin, activez le curseur et descendez encore et encore jusqu’à ce que je vous dise au revoir et merci pour votre patience infinie.

Vous le savez peut-être mais le Canada possède une Histoire qui, sous bien des aspects, est absolument condamnable. Et je l’ai découvert, il y a très peu d’années. Je vous jure, je n’avais jamais entendu parler des pensionnats pour autochtones destinés à évangéliser et assimiler les enfants autochtones au cours du 20ème siècle, au Canada. Je suis tombée sur un documentaire sur Arte qui en parlait, il y a quelques années, et j’ai vu. J’ai écouté aussi, les témoignages de ceux qui sont ressortis de ces pensionnats, des enfants de ceux qui sont ressortis de ces pensionnats. En plus d’être séparés de leurs parents, ces enfants ont vécu les pires violences et n’ont jamais réussi à se reconstruire si toutefois ils en sont sortis vivants. Les traumatismes ont eu un immense impact sur les générations suivantes. Misère, pauvreté, alcoolisme. Le grand-père de Jacob. Le père de Jabob. Jacob. « Tu as notre histoire dans le sang, mon garçon ; que tu le veuilles ou non » prononce Anak, l’un des personnages centraux du récit.

« Nous ne pouvions pas nous entraider, ce qui est totalement contraire aux valeurs des Cree. Ils voulaient nous briser, Jacob. Ils disaient que nous avions tout faux. Notre façon de prier, notre façon de vivre et de nous habiller, notre langue et notre culture : ils rejetaient tout en bloc. Leur but, c’était de nous « assimiler », ce qui revenait à nous anéantir ».

Ces mots sont durs à réceptionner mais assemblés bout à bout, ils composent le fil rouge de ce roman car ils expliquent tout. Y compris l’histoire de Kim. Cette jeune fille écorchée vive qui vit encore malgré elle et malgré tout. Kim fragile, avec cette mèche blanche dans les cheveux. Ce n’est pas un hasard. Kim solide, qui sauve les autres avant de sauver elle-même. Vous me direz qu’il n’existe pas vraiment de roman jeunesse, de roman tout court, de littérature en général sans histoire d’amour. Et vous avez complètement raison car l’amour est la clé. Et cette histoire d’amour… Elle n’est en rien facile mais qu’est-ce qu’elle est belle. On retient notre souffle avec nos amoureux qui ne savent pas aimer mais qui, ensemble, vont apprendre. C’est doux, brutal parfois, évident surtout.

C’est un roman sur la recherche de la vérité. Sur ce que des milliers d’autochtones ont vécu mais aussi sur l’histoire personnelle de Jacob. Ce fameux accident qui a fait basculer sa vie de petit garçon ne s’est sans doute pas déroulé de la manière dont il a toujours été narré.

Oui, c’est un récit sur la recherche de vérité. Sur une quête qui ne peut se faire sans douleur. Mais c’est sans doute cela qui fait toute la beauté de ce roman. Un peu comme un crush qui fait mal. Mais qui fait grandir. On en revient à Toufdepoil, je crois bien. On revient à ce qui est l’essence de la vie. Etre heureux, souffrir, souffrir pour être heureux. Tout ça. Ce gros bordel qui fait que l’existence n’est en rien linéaire. Est-ce que je suis la seule à être sur le qui-vive lorsque je suis heureuse ? J’ai pleinement donné en épreuves, souffrances et autres coups traitres, j’aimerais que ma quête soit achevée et que ma vie reste comme elle l’est à cet instant T. Simple, belle et terriblement joyeuse. J’ai encore et toujours des surprises qui s’invitent dans ma vie mais ce sont de très jolies surprises. Comme cette rencontre récente avec une amie qui fait désormais partie des personnes les plus importantes de ma vie. Alors, ma quête est-elle enfin achevée ?

J’aime ces romans qui font réfléchir, qui nous interpelle, nous interroge sur des pans existentiels de l’existence. Et j’aime le fait qu’il n’y ait pas forcément des réponses. Mais des signes. Enseignés par les Cree et percevables par tous si seulement nous voulons bien les percevoir.

J’aime les silences. Même les silences surnaturels. Et bien souvent, je cherche des signes qui seraient comme des ponts avec les personnes disparues et moi-même, un peu comme Jacob, ce loup et son grand-père. Ce récit m’a fait réaliser qu’ils se sont déjà pleinement manifestés. Car ma grand-mère est en moi, à jamais. A travers l’amour des livres et certaines habitudes que nous avons en commun, elle vit en moi à jamais.

Il est temps pour moi de vous dire au revoir et merci pour votre patience infinie. Et de vous conseiller de lire ce roman, de vous laisser bercer par les croyances et les valeurs Cree qui peut-être vous apporteront un éclairage nouveau sur votre vie. Ça vaut le coup d’essayer.

Merci à Croqu'Livre de m'avoir fait découvrir ce roman lors du dernier groupe lecture ado !
Bandes dessinées / Mangas

Lightfall. Tome 01 : La dernière flamme / Tim Porbert / Gallimard BD

Dimanche soir. 21h12. Demain, c’est la rentrée et chaque membre de ma petite famille va reprendre le chemin de l’école. Moi y compris. Ce soir, je ne ressens pas cette mélancolie habituelle des veilles de rentrée, celle qui te titille gentiment l’estomac et te fait faire des rêves un peu étranges -peuplés d’élèves insupportables et de charmants collègues qui font généralement des trucs chelous. Carrément. Oui, mais ce blues, c’est un mal-déplorable-mais-pas-bien-méchant-en-fait qui s’empare de moi ces veilles particulières de jours particuliers. Ce soir, c’est différent. Car en vérité, je ne sais de quoi demain sera fait. Je vais faire en sorte que. Travailler comme si. Continuer comme. C’est ce qu’on fait tous, non ? Certains y arrivent mieux que d’autres. À faire semblant. Je le fais, pour mes enfants. J’agis comme je peux, ce n’est pas parfait. Je les regarde plus intensément. Je renifle les cheveux de mon petit garçon lorsqu’il m’offre une étreinte. Je m’enivre de sa candeur. Je continue à m’agacer gentiment contre ma fille, mon ado préférée, mon alter égo, pour des broutilles organisationnelles mais je ne peux m’empêcher de lui déclamer que « ce n’est pas grave » parce que réellement, ce n’est pas grave. Je détourne mon regard du sien car elle, elle pourrait deviner. Que j’ai peur. Je ne sais pas si cette sensation vous est étrangère, à vous aussi ? Si je suis la seule à ressentir/réagir ainsi ? Dites-moi que je ne présente pas les premiers symptômes d’une folie furieuse certaine mais que je suis juste humaine, femme, maman.

La littérature jeunesse nous apporte tant. Je le revendique haut et fort, ici et ailleurs. Je réalise qu’elle possède, outre le fait de nous faire réfléchir, le pouvoir de nous émerveiller et nous en avons tant besoin, en cet instant précis, de cette évasion composée d’autres réalités. De réalités gracieuses. De réalités aériennes. De réalités qui pansent les pensées déchaînées. Je lis actuellement l’un des plus beaux récits découverts depuis longtemps. Je le garde précieusement avec moi, partout, jusqu’à ce que je m’abreuve du tout dernier mot. Son pouvoir d’échappatoire est décuplé en ces moments sombres. « Annie au milieu » d’Émilie Chazerand. Retenez ce titre. Si vous ne le pouvez pas, ne vous inquiétez pas je vous en parlerai -longuement- ici, sur ce blog.

À ce récit divin s’ajoute un autre récit divin que j’aimerais vous présenter aujourd’hui. La seule première de couverture suffit à nous apporter la clairvoyance dont nous avons besoin. Et de l’espoir, qui est au cœur de cette histoire.

« Lightfall » peut aisément être une métaphore de notre monde. Celui dans lequel vivent Béa, l’héroïne, et tous les autres personnages, est un monde empli de dangers. Ce qui n’est pas perceptible, au premier abord, lorsqu’on rencontre la jeune fille. En effet, Béa vit tranquillement avec son grand-père adoptif, un Cochon-Sorcier, fabricant de potions et gardien de la Flamme éternelle. On devine néanmoins qu’avec un tel statut, il n’est pas n’importe qui. Et l’on comprend que les petits déjeuners ne peuvent être des éternels recommencements de moments parfaits, composés d’œufs brouillés et de tendres échanges.

Un jour, tout change. Plus rien n’est comme avant. Pas même une lettre ne pourra modifier cet état de fait.

« Chère Béatrice,   
Je suis désolé si je t’ai paru distrait ce matin mais grâce à toi j’ai eu un flash. J’ai négligé un devoir de la plus haute importance. Je dois aller vérifier le Sceau du Dormeur sans repos ! Dommage qu’une tâche si cruciale repose sur les souvenirs brumeux et confus d’un vieux cochon comme moi.   
J’ai, à vrai dire, complètement oublié où se trouvait le Sceau mais je suis sûr que ça me reviendra.   
Je file !   
Quoi que tu fasses, ne me suis pas ! C’est trop dangereux ! Mais si tu me suis, enfile un pull…
« 

Que faire alors ? Continuer à vivre une vie rassurante, même si un être aimé n’en fait plus partie ? Ou combattre son angoisse maladive pour retrouver celui qui donne un sens si manifeste à son existence ? La réponse, nous l’avons déjà, elle est en chacun de nous.

Si la réponse est tout aussi profondément évidente pour Béa, dans les faits elle est toutefois dantesque. La jeune fille ne peut vivre sans son grand-père adoptif mais elle doit, pour le retrouver, combattre ses angoisses. Elle n’est en rien une super-héroïne. Ses failles la constituent et les faire disparaître n’a rien d’intelligible. Est-ce qu’on se prend facilement d’affection pour un personnage fragile et sincère ? Oui, bien sûr que oui. On l’aime à la folie, notre petite Béa.

Elle se lance. Véritablement et par amour. Une quête initiatique s’ouvre à elle. Pour la mener, elle sera accompagnée de Cad, cet être étrange rencontré précédemment lors d’une cueillette. Ce personnage ambitionne également de trouver le Cochon-Sorcier car il représente l’unique espoir de connaître les siens. Il paraît que son peuple n’existe plus. Cad serait le dernier des Galduriens. La vérité, vous l’aurez devinée, il n’y en a qu’un qui la détienne : le plus sage des plus attachants des plus drôles des Cochons-Sorciers.

Cad est inénarrable tant il est badin et sage à la fois. Disons simplement que Maître Yoda n’a qu’à bien se tenir, il a désormais un adversaire à sa taille. Quel personnage dingue dingue dingue. Tout le monde devrait avoir la chance d’avoir un Cad dans sa vie. Quelqu’un qui lui explique que la gentillesse primera sur tout, que l’amitié est la clé de tout. De tout. Sans que ce soit mièvre. Juste parce que c’est indubitable.

« Mieux vaut marcher avec un ami dans l’obscurité que seul dans la lumière ».

Heureusement que Cad est là pour Béa et que Béa est là pour Cad. À deux, ils pourront peut-être déjouer la terrible malédiction qui menace d’éteindre la lumière du monde. Ah bon ? Re-bonjour la jolie métaphore qui nous parlera, maintenant plus que jamais. Et c’est bien pour cela qu’on a besoin de cet ouvrage. Pour l’espoir qu’il nous apporte. L’espoir qui nous fait tous vivre aujourd’hui et qui nous fera renaître demain.

Je n’en dirai pas plus. Regardez plutôt.